Séminaire sur la « sécurité alimentaire » (Note Conceptuelle)

En Tunisie, la sécurité alimentaire est un enjeu crucial dans un contexte marqué par de nombreux défis et transitions à caractère politique et économique. Après la pandémie du Covid-19, la poursuite de la guerre en Ukraine et ses répercussions sur le marché mondial des hydrocarbures, des céréales et des engrais est venue aggraver une situation délicate en Tunisie marquée par une crise aiguë des finances publiques, un déficit sans précédent de la balance alimentaire et des sécheresses à répétition ayant frappé durement les régions semi-arides du centre ouest (Kasserine) le sud (Gabes) et le nord-ouest du pays, longtemps considéré comme le grenier de la Tunisie.

La guerre en Ukraine, qui dure depuis plus de 14 mois, a sérieusement amplifié cette crise. En effet, la Russie et l’Ukraine sont parmi les principaux producteurs et exportateurs de céréales dans le monde, et 12% des exportations de ce produit proviennent d’Ukraine. De même, l’insécurité régnant dans la mer Noire à cause de la guerre, a sérieusement perturbé le flux du transport maritime à partir du port d’Odessa et l’approvisionnement de plusieurs pays africains et arabes, dont la Tunisie, même si cette situation a connu une légère amélioration a la faveur de l’entrée en vigueur de l’initiative céréalière de la mer Noire.

La Tunisie dépend fortement des importations pour répondre aux besoins alimentaires de sa population. Le pays importe 60% de sa consommation notamment de la Russie (1er exportateur de céréale au monde) et de l’Ukraine (4ème exportateur de céréale au monde), en particulier de l’Ukraine. Selon les données de la FAO pour l’année 2018, les importations de produits alimentaires représentaient environ 9% des importations totales de la Tunisie, dont les céréales représentaient presque 52%. L’Ukraine, à elle seule, en fournit environ 50%.

Le secteur agricole tunisien, qui génère presque 9% du PIB et emploie 18% de la population active, est confronté depuis plusieurs années à des problèmes organisationnels et structurels importants. La pluviométrie est irrégulière et les infrastructures hydrauliques désuètes conduisent à des pertes d’eau considérables, avec un taux moyen de perte de l’ordre de 30%. On constate aussi l’absence de gouvernance prenant en considération l’explosion des coûts de production, l’érosion du pouvoir d’achat des Tunisiens et la nécessité de doter le secteur de moyens modernes d’exploitation.

En outre, une grande partie des agriculteurs tunisiens sont de plus en plus âgés et ne bénéficient pas d’une couverture sociale adéquate. Cette situation rend le secteur moins attractif pour les jeunes, qui sont souvent attirés par des perspectives d’emploi dans d’autres secteurs.

La Tunisie gagne en outre à souscrire aux normes internationales selon lesquelles le droit à l’alimentation est un droit fondamental. Les États sont tenus d’oeuvrer pour protéger ce droit et garantir l’accès de tous les citoyens aux denrées alimentaires à des prix abordables. La nouvelle Constitution tunisienne promulguée le 17 août 2022 est pratiquement muette à ce sujet et n’a apporté aucune nouvelle disposition relative au droit à l’alimentation ou à la sécurité alimentaire se limitant dans son article 48 à mentionner « le droit à l’eau potable pour tous sur le même pied d’égalité ».

La réussite de la Tunisie en termes de sécurité alimentaire durant les prochaines années nécessite un réel engagement des acteurs institutionnels, administratifs, privés et de la société civile autour d’objectifs communs tendant à relever, à temps, les défis qui se posent au pays et éviter le pire. La sécurité alimentaire devrait aussi être pensée en tant que stratégie nationale et en tant que projet à part entière, fruit d’une collaboration entre plusieurs Départements et institutions publiques et privées et d’une consultation associant toutes les composantes de la société tunisienne. Cette stratégie devrait se concentrer sur une gestion préventive et prospective des différents risques agricoles, alimentaires et nutritionnels.

Conscient de l’urgence d’engager une réflexion approfondie sur le sujet, le Conseil Tunisien des Relations Internationales organise le 4 Mai 2023 une rencontre associant des experts du domaine, des économistes et des représentants des médias afin d’analyser en profondeur la situation actuelle et de proposer des solutions concrètes en vue d’améliorer la sécurité alimentaire en Tunisie. Cette réflexion sera structurée particulièrement autour des axes suivants :

  • Le contexte de la politique publique en matière de satisfaction des besoins alimentaires de la population tunisienne.
  • Les impacts des événements conjoncturels des cinq dernières années (Covid-19, sécheresse et guerre en Ukraine) sur la problématique de la sécurité alimentaire et les défis à relever et les enjeux à gagner.
  • Les contraintes structurelles à la réalisation de la sécurité alimentaire.
  • Les perspectives d’action à envisager pour renforcer la sécurité de la Tunisie en matière alimentaire.
Share on facebook
Facebook
Share on twitter
Twitter
Share on linkedin
LinkedIn