TCIR, a organisé une table ronde sur le thème de “BRICS+: An Emerging Actor in the New Geo,oliticalSpace”

Le Conseil Tunisien des Relations Internationales, TCIR, a organisé le 25 septembre 2024 une table ronde sur le thème de “BRICS+: An Emerging Actor in the New Geo,oliticalSpace”, animée par monsieur Salah Hannachi, membre du Conseil.

Cette table ronde fait partie d’une série de rencontres dédiées au suivi de l’évolution des relations internationaleset à la réflexion sur le meilleur positionnement géostratégique de la Tunisie face à ces évolutions et face à un monde en pleine mutation.

Nous vivons aujourd’hui une époque de grandes manœuvres géopolitiques par les grandes puissances. Ces manœuvres engendrent de grandes tensions et de grandes crises dans les relations internationales. Nous assistons aussi à l’émergence d’initiatives par des puissances moyennes et de pays pivots comme le Brésil, l’Iran, la Turquie, etc., qui compliquent les tensions existantes et la dynamique du système de relations internationales. C’est dans ce contexte qu’en 2023 le groupe des BRICS s’est élargi pour inclure cinq nouveaux membres. Il devrait continuer à s’élargir, mais graduellement ou du moins à un rythme négocié, et à jouer un rôle de plus en plus important dans le système de relations internationales

Pour l’Afrique, dans l’hémisphère central, au sud de l’Europe et de de la Méditerranée, le partenariat avec le BRICS +est déterminé par des intérêts et des corollairespour des secteurs tels que l’énergie, les ressources naturelles, les investissements et les marchés du travail, les biens d’équipement et d’infrastructures, les marchés de consommation, ainsi que les mouvements de population.

L’expansion des BRICS+a une autre dimension. Cette dimensionse rapporte directement à la gouvernance mondiale et au système multilatéral de l’après-guerre,mis en place par les victorieuxdecette guerre. Ce système conçuà la lumière des préoccupations qui ont produit et orienté la guerre et des priorités de sécurité et de reconstruction de l’après-guerre dans les théâtres ou elle s’est déroulée.  Il ne tient pas compte ni du poids ni des priorités, essentiellement de développement, des pays et des acteurs souverains, comme l’Inde par exemple, apparus sur la scène internationale, suite aux mouvements d’indépendance qui ont vu le jour le lendemain de la guerre elle-même et en fait créés par elle.

Cette dimension du phénomène complique encore davantage la mission et la dynamique d’expansion des BRICS+, son dialogue et son interfaçage avec le Système Multilatéral, ainsi qu’avec les autres sous-systèmes de gouvernance globaleen place, comme le G7, le G20, etc. Ces sous-systèmes sont apparus pour corriger ou compléter les insuffisances du système actuel en place, les économies émergentes plaidant pour un système international plus équitable, remettant en cause le statut dominant des puissances occidentales et donnant plus grande priorité au développement. 

Ainsi donc, l’évolution du groupe BRICS+ signifie un changement structurel complexe et lourd dans la mission, les structures et la dynamique de la Gouvernance Globale. Pendant un certain temps, les deux systèmes, le Système Multilatéral en place, et les sous-systèmes qui les accompagnent, coexisteront. Ils pourraient même entrer en concurrence pour la gouvernance mondiale des relations internationales.

Le BRICS+ devient ainsi un acteur important des relations internationales, passant d’un concept d’investissement de Wall Street à un mouvement géopolitique et géoéconomique,dont l’agenda ne se limite pas aux questions géopolitiques. Cet agenda s’étend à l’intégration économique, et aspire à renforcerles infrastructures,le commerce, l’investissement et le développement mutuellement accéléré entre les pays membres. L’objectif est defaire migrer le système international d’un paradigme perdant-perdant, MutuallyAssured Destruction(MAD), ou même gagnant-perdant de concurrence classique, à un paradigme nouveau gagnant-gagnant, MutuallyAcceleratedGrowth(MAG), tenant compte de l’impératifde valeurs communautaires, « villageoises », du Village Global que le Monde est devenu aujourd’hui.

La réforme et la mise à jour du système monétaire et financier de Brettenwoods est une autre dimension importante de l’agenda du BRICS+. La dédollarisation est une composante majeure de cette réforme. La recherche d’alternatives au dollar reflète le désir croissant des états membres d’atténuer leurvulnérabilité à l’arbitraire des tentations d’abus du statut du dollar à la fois de monnaie souveraine des USA et de monnaie internationale de payement et de réserve, comme ce fut le cas dans plusieurs instances, en particulier dans le cas du gel des avoirs russes en dollars, le lendemain du déclenchement de la Guerre d’Ukraine. La dedollarisation vise aussi à mieux refléter l’émergence de puissances économiques majeures et le glissement à l’Est du nouvel ordre économique et financier mondial.Enfin la dedollarisation vise à limiter l’avantagepour une puissance géopolitique de financer ses guerres par le recourssouverain à la planche à billets.

Le BRICS+ aspire également à promouvoir les échanges culturels au sein du groupe. Le but est de promouvoir le multiculturalisme et de favoriser des liens plus profonds entre diverses populations. Le but est aussi de promouvoir le pluralisme civilisationnel des paradigmes de société et de s’émanciper des prétentions à l’universalité et à la supériorité du paradigme socio-politique occidentalde gouvernance et de valeurs.

Ces considérations conduisent à anticiper la coexistence pour quelques temps d’un double système multilatéral, offrant des alternatives aux structures de gouvernance traditionnelles.

L’expansion du groupe BRICS+ engendre une dynamique complexe entre les membres et introduit des défis liés à la prise de décision par consensus. Les disparités des profils et la diversité des intérêts entre les membres peuvent tourner le consensus en un ralentissement, voire blocage, du processus de décision et entraver la gouvernance efficace et l’unité au sein du groupe. Ceci conduit à anticiper une complexité et un ralentissement du processus d’expansion.

La Tunisie, comme beaucoup d’autres pays, devra collaborer avec le Système Multilatéral conventionnel en place, mais aussi avec d’autres systèmes, dont le BRICS+.La Tunisie représente un pont entre l’Europe et l’Afrique, et doit tirer parti de sa position stratégique pour s’engager avec les BRICS+, en naviguant dans un paysage complexe caractérisé par la concurrence entre les puissances existantes et émergentes.

Dans l’adhésion ou plus probablement l’association avec le BRICS+, la Tunisie contribue sa position et ses traditions culturelles comme articulation entre les deux rives de la Méditerranée et comme point de rencontre entre l’Europe et l’Afrique dans un axe central d’énergie et de développement dans l’hémisphère euro-africain. Elle contribue aussi son potentiel humain dans un futur où les stratégies de développement et les relations internationales seront basées sur l’innovation, et où ODISSII, un système ouvert, distribué systématique et systémique d’innovation et d’industrialisation, deviendra de plus en plus important.

Lors desdébast, les participants à la table ronde ont mis en évidence l’importance de la contribution de la Tunisie au BRICS+ en proposant : un partenariat pour la formation diplomatique (PIT), partenariat pour l’innovation et la connaissance (PIK), base sur sa une capacité reconnue de production des connaissances, un partenariat pour l’innovation, la science, la technologie et l’éducation (PISTE), apprentissage basé sur les défis, les projets et les services.

 

  • En conclusion, l’adhésion potentielle de la Tunisie met en évidence son importance géographique et sa capacité à servir de pont entre l’Afrique et l’Europe, ce qui peut lui assurer une opportunité de peser et d’être entendue au sein des BRICS+ ou en association étroite avec ce Groupe.

SirineAyari

Membre du CTRI,

Etudiante en droit international à l’Université de Carthage

Facebook
Twitter
LinkedIn