Le Conseil Tunisien des Relations Internationales a organiséle 11 septembre 2024 une Table Ronde sur le thème de « La « Ceinture et la route » : Quelles perspectives pour la Tunisie ».Animée par Professeur Karim Ben Kahla, membre du Comité d’Orientation Scientifique du Conseil (COS-CTRI), cette Table Ronde fait partie d’une série de rencontres dédiéesà l’évolution des relations internationales, les diverses initiatives tendant a l’instauration d’un ordre multipolaire et les conditions requises pour assurer un meilleur positionnement géostratégique de la Tunisie dans un monde en pleine mutation.
M.BenKahla a rappeléque l’initiative de la BRI a été lancée en 2017.Elle est inscrite dans la constitution chinoise, et signée par 150 pays.
Ce projet répond aux aspirations de la Chine d’être la première puissance mondiale en 2040. Il consiste en corridors terrestres, maritimes, numérique, culturels, et même spéciaux et pourrait selon la Banque Mondiale augmenter le commerce « entre 2,8 et 9,7 % pour les économies des corridors et entre 1,7 et 6,2 % pour le monde », àaméliorer de 7,6 % les IDE en faveur des pays à faible revenu et faire sortir 40 millions de personnes de la pauvreté.
Ce projet représente une réponse à un ensemble de défis auxquels la Chine fait face.
Sur un plan interne, l’économie est alourdie par le tassement de la croissance économique, le besoin de passer à une croissance plus « réelle », plus qualitative et qui ne repose plus essentiellement sur des investissements et le risque de déflation et difficultés d’une relance par la consommation interne.
Des défis d’ordre social marqués par l’évolution des habitudes de consommation, de vie et de loisir des jeunes, le renouvellement du contrat social, par le biais de redistribution en faveur des pauvres et la gestion des attentes et demandes émergentes de la nouvelle classe moyenne et le vieillissement de la population.Aujourd’hui, 70 % de la populationchinoise est d’âge actif (15-59 ans), contre 62 % en Inde, 60 % en Europe de l’Ouest ou en Amérique du Nord, et 54 % au Japon.
Des difficultés d’ordre externe qui se manifestent par le besoin de diversification des débouchés pour les produits finis chinois, la réduction de la dépendance aux hydrocarbures et la sécurisation de l’approvisionnement en certaines matières premières et ressources naturelles critiques ou stratégiques. Ainsi que le lancement d’initiatives concurrentes.On cite à ce propos à titre d’exemple l’Initiatives américaine « Build Back Better World Agenda (B3W) », l’initiative européennes « Global Gateway » et « TEN-T (Trans-European Transport Network) ».
Toutefois, la BRI a pu faire face aux alternatives occidentales grâce à un marché intérieur de plus de 1,4 milliard d’habitants, de vastes réserves minérales et de métaux rares, ainsi qu’à un territoire vaste et central soutenue par la deuxième plus grande économie du monde.
Ce projet constitue également un réseau global qui s’étend sur les cinq continents ce qui permet de réaliser des économies d’échelle et une montée en gamme des produits chinois. Il est à noter que la Chine est en tête dans la compétition technologique mondiale et affirme devancer les États-Unis dans 53 des 64 technologies dites « critiques » pour l’avenir. Pour 15 de ces technologies, elle est sur le point d’avoir une forme de monopole mondial. Par comparaison, les Etats-Unis dominent uniquement 11 technologies, et il n’y a aucun domaine technologique où ils pourraient avoir une forme de monopole.
En outre, la Chine cherche à passer d’une aide au développement « dure » (axée sur les infrastructures au niveau macro) à une aide « douce », au niveau micro (partage de connaissances en matière de développement et de production), elle continuera à faire évoluer ses actions par l’adoption d’une approche plus sélective en matière de projets (durabilité et pertinence) et l’encouragement de la participation d’entreprises non-chinoises.
Lors de débat, les participants à la Table Ronde ont mis en évidence l’importance des relations entre la Tunisie et la Chine dans le cadre de la diversification denos partenairesétrangers ainsi que la coopérationentre laChine et l’Afrique qui est aujourd’hui non seulement d’ordre économique et diplomatique mais aussi sécuritaire. .
La réflexion a aussi porté sur les défis et les enjeux de la réalisation de la BRI en Afrique, la question du surendettement de certains pays africains vis à vis de la Chine et le degré d’implication de la Tunisie dans la réalisation de ce grand projet chinois.
S’agissant de la Tunisie, les participants ont relevé des barrières législatives notamment la condition de passer obligatoirement par la procédure del’appel d’offres pour la conclusion des marchés publics et la législationde travail.
- Des changements de lois nationales doivent avoir lieu, afin de créer un environnement favorable à l’implantation de la BRI. La Chine préfère en effet passer des marches gré a gré et bénéficier d’une souplesse au niveau de l’application du code de travail afin d’importer sa propre main d’œuvre.
Sirine Ayari
Membre du CTRI,